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Le "Marché Du Carbone": Une Initiative Bénéfique Pour Les Forêts Tropicales ?
Parmi les nombreux bénéfices procurés par les forêts, on s’intéresse de plus en plus à leur rôle de fixation du carbone. La biomasse des arbres et autres végétaux de la forêt emmagasine de vastes réserves de carbone, aidant ainsi à maintenir l’équilibre du cycle du carbone dont dépend la vie sur terre. Les émissions industrielles sont les principales coupables de l’accumulation de carbone dans l’atmosphère, qui contribue au "réchauffement mondial" et aux changements climatiques. Le Protocole de Kyoto de 1997 de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ouvre la voie à des mécanismes qui permettraient à des pays industriels principaux pollueurs de compenser leurs émissions de gaz carbonique en payant des pays en développement pour qu’ils préservent leurs forêts tropicales, "séquestrant" ou emmagasinant ainsi de grandes quantités de carbone. Des projets de cette nature représentent une perspective attrayante pour de nombreuses personnes qui pensent que la conservation des forêts tropicales sera difficile à moins que les bénéfices écologiques qu’elles procurent, de même que d’autres services pour la société, ne soient convenablement valorisés grâce à des systèmes de rémunération. Une grande partie des études sur ce sujet se sont axées sur les aspects techniques de la faisabilité de tels "marchés du carbone", tels que des méthodologies pour la mesure du carbone et l’évaluation du coût des projets de réduction des émissions. A l’opposé, le CIFOR a en 1998 exploré les questions sociales et écologiques liées aux marchés du carbone – aspects qui jusqu’à maintenant n’ont guère retenu l’attention. En 1998, le CIFOR a travaillé avec l’Université du Maryland pour poser les bases d’un dialogue international qui examinera les projets de stockage du carbone et définira des directives pour assurer qu’ils procurent des effets sociaux et écologiques positifs. A la différence d’autres initiatives dans ce domaine, le dialogue fera intervenir les points de vue de représentants d’un large éventail de groupes directement concernés par l’utilisation des forêts tropicales. Les résultats de la conférence fourniront une importante information de base en vue des efforts qui seront entrepris en 2000 pour décider des mécanismes d’application des dispositions du Protocole de Kyoto concernant le stockage du carbone. Ils devraient aussi présenter un intérêt considérable pour les nombreuses institutions forestières, écologiques et de développement économique concernées par cette importante question. Avec un financement de l’USAID, le CIFOR a entrepris en 1998 deux études qui ont fourni des aperçus sur les perspectives des pays d’accueil et des investisseurs qui devraient être utiles pour aider à la conception et à la promotion de projets de stockage du carbone. Dans ces deux études, les chercheurs du CIFOR ont collaboré avec des chercheurs du Centre de recherche et d’enseignement en agriculture tropicale (CATIE) et du Centre de recherche sociale et économique sur l’environnement (CSERGE) à l’University College de Londres. La première étude portait sur les effets d’un programme novateur au Costa Rica, qui fournit à des propriétaires fonciers privés des paiements périodiques pour céder au gouvernement le droit de "vendre" les services écologiques fournis par leurs terres boisées (dont le stockage de carbone). Les chercheurs ont interrogé des propriétaires forestiers et autres dans l’Aire de conservation de la Cordillera Volcánica Central, qui est couverte par le programme. Un certain nombre de critères et indicateurs écologiques, sociaux et économiques ont été définis pour analyser les perceptions au sujet des bénéfices de la protection et de la régénération des forêts et des plantations forestières dans les zones couvertes par le programme de compensation, par comparaison avec le mode le plus courant d’utilisation des terres, qui est l’élevage bovin extensif. Les chercheurs ont conclu que le programme du Costa Rica fournit un modèle qui pourrait permettre à des pays d’accueil de tirer profit des possibilités de financement offertes par les marchés du carbone sans distorsion de leurs propres plans nationaux d’utilisation des terres. Ils notent toutefois que ce modèle pourrait ne pas être approprié pour des pays pauvres qui, à la différence du Costa Rica, ne veulent ou ne peuvent pas prélever des taxes sur leur population pour financer un tel programme, ou pour des pays où la conservation des forêts n’est pas une priorité nationale importante. La seconde étude avait pour objet de déterminer les motivations et les préoccupations qui influent sur les décisions de participer à des projets de stockage du carbone. Les personnes interrogées étaient 27 grands investisseurs pionniers dans le marché naissant des services de stockage du carbone, dont des financiers, des courtiers, des concepteurs de projets, des gestionnaires de fonds et des organismes officiels aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Europe. Les personnes enquêtées ont indiqué que les motifs de la participation à un programme de marché du carbone étaient surtout une question de relations publiques, toutefois la rentabilité financière est une considération de première importance. Les chercheurs déclarent que leurs conclusions suggèrent qu’une approche non réglementée, purement commerciale se centrera probablement sur l’efficacité de la fixation de carbone et ignorera les considérations sociales et écologiques, en dépit des signes encourageants qui indiquent que les premiers investisseurs accordent une certaine importance aux bénéfices écologiques et sociaux. S’appuyant sur ces études, les chercheurs concluent que les appréciations initiales sur les marchés du carbone, comme étant "gagnants sur tous les tableaux", et avantageux pour tous les intéressés, sont sans doute trop optimistes. Leur analyse fait ressortir certaines des conditions dans lesquelles des projets de stockage du carbone peuvent être appropriés, et met en lumière les cas où des sauvegardes peuvent être nécessaires.
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