Etude par pays : Indonésie
De graves risques pour les
forêts et les investisseurs dus au réseau confus de dettes des usines de pâte
Jusquà la fin de la dernière
décennie, le gouvernement indonésien a poussé pour faire du pays le premier producteur
mondial de contreplaqué, aux dépens des forêts tropicales dIndonésie de
renommée mondiale. En 2000, une étude approfondie de Chris Barr, analyste de politiques
du CIFOR, a révélé un autre mouvement aux incidences sérieuses. Les grandes sociétés
de pâte et papier sactivent pour avoir accès à de vastes surfaces de forêt
naturelle afin dalimenter une expansion de leurs usines en Indonésie au cours de la
décennie écoulée.
Le rapport rédigé par Barr, conjointement
pour le CIFOR et pour le Programme macroéconomique
du WWF, montre quune poignée de grands groupes ont accru la capacité des usines de
pâte et papier du pays de 700 pour cent depuis la fin des années 1980. Financée à
hauteur de 12 milliards de dollars EU, sous forme de prêts directs et doffres
internationales dobligations, cette croissance a propulsé lIndonésie parmi
les 10 premiers producteurs mondiaux de pâte et papier.
Ces groupes étaient prêts à accepter cette
énorme dette et à jouer avec largent de leurs bailleurs de fonds, conclut Barr,
parce que plusieurs facteurs rendaient leur propre risque financier relativement faible.
Une grande part des prêts nationaux provenaient de banques qui étaient contrôlées par
les groupes eux-mêmes, et étaient peu soumises à une surveillance. Le gouvernement
subventionnait les usines directement en leur accordant un accès peu coûteux aux forêts
naturelles, des allocations du Fonds forestier national et des prêts à faible taux
dintérêt des banques dEtat. Et les banques internationales ne se sont pas
suffisamment demandé où les entreprises pourraient se procurer les volumes de bois
nécessaires pour faire fonctionner à long terme leurs usines au voisinage de leur
capacité installée.
Pour appuyer leurs demandes, les producteurs
de pâte et papier avaient déclaré quils tireraient leur matière première de
plantations rationnellement aménagées. Pourtant jusquà présent, a constaté
Barr, 8 pour cent seulement du bois consommé par les usines provient de plantations
forestières, le reste étant des bois feuillus mélangés provenant de forêts naturelles
dont pas moins de 40 pour cent proviendraient semble-t-il de sources non
précisées et probablement illicites. Il estime que plus de 800 000 hectares de
forêt naturelle ont été coupés à blanc depuis 1988 pour alimenter les usines de pâte
dIndonésie. Durant cette période, leur capacité totale de production est passée
de 600 000 tonnes à plus de 5 millions de tonnes/an.
Bien que les producteurs de pâte commencent
à mettre en production de vastes surfaces de plantations, Barr estime peu probable que
les plus grandes usines dIndonésie puissent tirer plus de la moitié environ de
leurs approvisionnements en matière première de leurs plantations jusquà au moins
2007. En attendant, tandis que les industriels épuisent les ressources ligneuses
disponibles autour de leur base à Sumatra, il se peut quils regardent plus loin,
vers les forêts du Kalimantan et de lIrian Jaya (Nouvelle-Guinée) pour trouver
leur matière première.
Ce qui place les enjeux encore plus haut pour
les investisseurs industriels, cest la crise économique en Indonésie, et les
conflits croissants entre les industries de la pâte et les communautés locales sur les
problèmes daccès à la forêt et les préoccupations pour lenvironnement.
Une usine de pâte de 600 millions de $EU dans le nord de Sumatra, par exemple, est
restée fermée pendant plus dun an en raison de lopposition de la communauté
locale. Certaines des usines et des plantations de bois à pâte parmi les plus
importantes ont été placées sous administration judiciaire de lAgence
indonésienne de restructuration bancaire en raison de leur lourd endettement. Barr
déclare quil y a des indications selon lesquelles lAgence pourrait effacer
une part importante des dettes impayées, ce qui équivaudrait à une nouvelle subvention
en argent.
Le rapport suggère un certain nombre de
mesures que les organismes officiels et les institutions financières pourraient prendre
pour replacer les industries de pâte et papier dIndonésie sur une voie plus
rationnelle, notamment :
·
Déclarer un moratoire temporaire sur une
nouvelle expansion des installations industrielles.
·
Supprimer les subventions à
lapprovisionnement en bois des industries de pâte et papier.
·
Porter une attention plus stricte de la
part des institutions financières qui investissent dans de grands projets de pâte et
papier.
Renforcer la communauté de la recherche
forestière en Indonésie
LIndonésie renferme des forêts
renommées, possède une recherche méritoire et héberge le siège de deux importantes
institutions internationales de recherche forestière le CIFOR et le Bureau pour le
Sud-Est asiatique du Centre international pour la recherche en agroforesterie (ICRAF).
Pourquoi donc le pays na-t-il pas su mieux tirer avantage de ces atouts pour relier
la recherche forestière à de meilleures pratiques sur le terrain ?
En mai, lAgence indonésienne de
recherche-développement forestière (FORDA) et le CIFOR ont organisé une réunion
dexperts forestiers du gouvernement, duniversités et dinstituts de
recherche du pays pour discuter de cette question et proposer des initiatives en vue
daméliorer la situation. Les participants reconnurent que le manque de coordination
et de communication était un facteur majeur entravant limpact potentiel de la
communauté de la recherche forestière en Indonésie.
La recherche forestière menée en Indonésie
couvre un vaste champ qui va de la recherche fondamentale à la recherche appliquée et à
la recherche stratégique. Toute aussi vaste est la nature des problèmes forestiers qu'il
faut traiter à divers niveaux : technique, social, économique, des politiques, et
institutionnel. Ce programme très dispersé, fut-il admis, rend très difficile la
fixation de priorités pour la recherche forestière, et la recherche dun appui
accru des donateurs.
Les participants conclurent que la recherche
forestière en Indonésie devrait être plus étroitement associée aux décisions de
politiques nationales, et à ladoption des résultats sur le terrain. La FORDA a
accepté de diriger les efforts en vue de faire évoluer la communauté de la recherche
forestière dans cette direction. Daccord pour se réunir régulièrement, les
participants sengagèrent à améliorer les échanges dinformation et à
élargir le champ offert à des propositions de recherche et à leurs résultats.
Un autre domaine dintérêt est
daccroître les possibilités de collaboration scientifique. Le CIFOR et
lICRAF ont convenu de fournir un appui permanent à des mesures visant à renforcer
linteraction professionnelle.
Une étude sur les usines de pâte suscite un
large intérêt
Le rapport de Chris Barr, chercheur du CIFOR,
intitulé Profits de lindustrie papetière : économie politique des fibres,
financement et endettement des industries indonésiennes de la pâte et du papier, a
été annoncé par un message POLEX, et largement commenté par les médias, y compris le
service de nouvelles financières internationales Bloomberg. En conséquence, le CIFOR a
reçu plus de 400 demandes pour ce document, dont beaucoup émanant den dehors de la
clientèle habituelle du centre le secteur financier. Lun des destinataires
écrit : Une organisation sans but lucratif fait le travail que Wall Street est
supposé faire.
Un certain nombre de lecteurs ont envoyé des
commentaires déclarant que le rapport était très nécessaire et arrivait bien trop
tard. Selon un spécialiste de lindustrie papetière à Singapour, il a fallu
longtemps pour appréhender la valeur des subventions indirectes à lindustrie, les
fonctions internes des flux de crédit à travers les banques des entreprises centrales,
létat changeant des surfaces de forêt et de plantations, et enfin le piège des
dettes dinvestissement.... Jai été extrêmement impressionné par [votre]
présentation de linformation, dont une partie ma pris des années pour la
réaliser.
En décembre, le CIFOR a accueilli un forum
ayant pour objet de discuter les résultats de la recherche entre un large éventail
dusagers des forêts. Parmi les participants on notait de hauts fonctionnaires de
lAgence de restructuration bancaire et des Ministères des Forêts, de
lEnvironnement et des Finances, ainsi que le Directeur général et deux autres
hauts fonctionnaires du Ministère de lIndustrie et du Commerce. Dautres
venaient de lAssociation indonésienne des producteurs de pâte et papier, de
banques et de sociétés boursières, de la communauté internationale des donateurs,
dorganisations civiques et de groupes écologistes.
Un fait notable est quun porte-parole
de la firme Asia Pulp and Paper, dont la situation est analysée dans le rapport, a
participé à la réunion et a déclaré que sa société prenait les mesures nécessaires
pour assurer que ses usines disposent damples approvisionnements en bois.
La rencontre sest conclue sur un large
accord sur le fait que lIndonésie doit définir des politiques plus cohérentes sur
la manière dont les usines de pâte du pays pourront se procurer suffisamment de matière
première à partir de plantations forestières judicieusement aménagées. Il faudra
aussi des mécanismes permettant aux institutions de financement et aux organes
réglementaires de lEtat dévaluer les efforts de développement de
plantations des sociétés papetières.
La lutte contre les feux : nouvelles
conceptions
Linformation spectaculaire sur les
grands incendies de forêt de 1997-98 en Indonésie a attiré lattention mondiale.
Mais ce problème existe depuis bien plus longtemps, et remonte à des siècles en
arrière. Rien que dans les deux dernières décennies, de grands incendies se sont
produits également en 1982/1983, 1987, 1991 et 1994 - années de présence dEl
Niño.
Les estimations de dommages ont suscité une
prise de conscience et une inquiétude. Environ 9,7 millions dhectares de terres
boisées et autres ont brûlé en Indonésie lors des feux de 1997-98, touchant 75
millions de personnes et causant des pertes économiques estimées à plus de 9 milliards
de dollars EU. Certains chercheurs ont déclaré que les émissions de bioxyde de carbone
provenant de la combustion de la tourbe lors des incendies ont été si élevées,
quelles ont fait de lIndonésie lun des plus grands pollueurs dans le
monde.
Une équipe de chercheurs du CIFOR, du Centre
international pour la recherche en agroforesterie (ICRAF) et du Service forestier des
Etats-Unis continue danalyser les feux et leurs effets, comme base pour la
formulation de politiques et de réglementations spécifiques pour lutter contre ce
fléau. Sinspirant des dernières conclusions ainsi que des résultats dautres
recherches, le projet révèle une image plus complète de lemplacement des feux,
qui les allume et pourquoi, et quels facteurs influent sur la nature des feux en
différents endroits.
La méthodologie novatrice et
multidisciplinaire combine la télédétection et les SIG avec des recherches approfondies
en participation sur le terrain. Des images de satellite rassemblées par un certain
nombre de projets de recherche dans la région fournissent une information sur
lemplacement, létendue et les types de terrains brûlés. Mais léquipe
CIFOR-ICRAF-USFS recherche aussi les causes profondes des incendies en étudiant leurs
dimensions sociales. Les chercheurs ont interrogé de nombreux villageois et appliqué des
techniques de cartographie participative sur huit sites à Sumatra et au
Kalimantan, très touchés par les feux.
Les résultats à ce jour montrent que les
causes des feux sont variées et complexes, ce qui exclut des remèdes simples ou
universels. Les conflits sur la propriété et lutilisation des terres sont un
élément important du problème. Différentes coutumes dutilisation du feu pour
lagriculture jouent également un rôle.
Les grands incendies ont été nombreux dans
des zones où de vastes surfaces de terres sont converties en plantations. Il arrive
parfois que la tourbe présente dans le sol des forêts de marécage côtier brûle
pendant des mois après que les sociétés de plantation aient utilisé le feu pour
défricher le sol. Mais elles ne sont pas les seuls auteurs de mise à feu. De nombreux
habitants, notamment des transmigrants venus dautres îles qui se sont établis dans
la région dans lespoir de meilleures perspectives économiques, utilisent
également le feu pour défricher le sol en vue de cultures de rente, en particulier de
cultures dexportation lucratives. Selon Graham Applegate, chercheur du CIFOR, telle
est la situation à Lampung, où des colons abattent en délit des arbres dans le Parc
national de la région en vue de la plantation de caféiers.
Un emploi peu nocif du feu pour défricher le
sol en vue de lagriculture est pratiqué depuis des siècles. Mais les chercheurs
ont constaté que le feu est utilisé maintenant également comme une arme. Certaines
communautés ont délibérément allumé des feux pour se venger contre des sociétés de
plantation et autres étrangers qui ont repris des terres traditionnellement utilisées
pour lagriculture et autres activités sans consulter ou dédommager la population
locale. Dans certains cas, en particulier en conditions de sécheresse, les feux se sont
étendus au delà des limites prévues. Le problème sest aggravé lorsque le feu
sest étendu à des zones daccès libre ou autres terrains où les
communautés ont peu dintérêt à lutter contre les feux, ou nont pas les
moyens de le faire.
Létude montre également que les
coutumes traditionnelles sont également un facteur qui intervient. Dans certaines parties
de Kalimantan, par exemple, les Dayak ont limité lemploi du feu pour le
défrichement durant les années dEl Niño propices à la sécheresse. Mais les
colons transmigrants de Java et autres régions dIndonésie ne se montrent pas
toujours aussi prudents.
Etude par région : Afrique australe
Un modèle pour lutilisation durable
des forêts de miombo
Depuis 1998 le CIFOR travaille avec des
chercheurs nationaux de cinq pays africains - Malawi, Mozambique, Tanzanie, Zambie et
Zimbabwe dans un projet qui a pour objet de promouvoir une utilisation plus
rationnelle des vastes ressources de forêts de miombo
de la région.
Ces forêts se dégradent rapidement par
suite de la demande humaine croissante. La croissance démographique est forte dans la
région, et les réformes économiques dans certains pays rendent la vie plus dure pour la
population locale, qui y fait face en partie en extrayant des produits forestiers pour sa
propre consommation ou pour la vente.
Le projet daménagement de ces forêts
claires, qui est financé par lUnion européenne, comprend trois volets :
dispositions institutionnelles les plus appropriées pour un aménagement rationnel des
forêts ; manière dont les diverses politiques en vigueur dans la région influent sur
les communautés tributaires des forêts de miombo
et sur la condition de celles-ci ; impact de lexploitation industrielle sur la
végétation forestière et sur les sols. Godwin Kowero, du Bureau régional du CIFOR à
Harare (Zimbabwe), coordonne léquipe scientifique de 30 chercheurs appartenant à
10 institutions de la région. En octobre 2000, ils se sont réunis à Arusha (Tanzanie)
pour discuter de leurs dernières conclusions.
Dans leurs analyses dorientation, les
chercheurs concluent que de nombreux habitants sont fortement tributaires des forêts de miombo en raison dun déséquilibre de
pouvoirs remontant à ladministration coloniale qui na guère
changé en dépit dune tendance en Afrique australe à une plus grande maîtrise des
populations locales sur les forêts et autres ressources naturelles. Les petits paysans
pauvres restent confinés à un petit lopin de terre, qui se rétrécit avec le temps. En
conséquence, ils nont pas les ressources nécessaires pour mettre à profit
dautres possibilités économiques qui leur permettraient dêtre moins
dépendants de la forêt. Les gouvernements daprès lindépendance ont
aggravé la situation en contrôlant les moyens de production, de distribution et de
commercialisation ainsi que les prix.
Pour freiner le déboisement, les
gouvernements nationaux devront introduire des mesures qui réduisent le large écart
existant entre les petits agriculteurs et les propriétaires de grands domaines
commerciaux, déclarent les chercheurs. Entre temps, ils suggèrent que
lagroforesterie pourrait être une bonne stratégie pour offrir aux petits
agriculteurs dautres perspectives économiques.
En accord avec la tendance à la
décentralisation, de nombreux pays dAfrique australe mettent en place des
modalités administratives en vue de la gestion communautaire des ressources naturelles.
Mais on constate de grandes différences dans le degré de contrôle local participatif
des ressources quelles permettent réellement et dans leur réussite.
Sappuyant sur un large ensemble détudes de cas, les chercheurs déclarent que
la gestion communautaire a des chances de bien fonctionner si les conditions suivantes
sont réunies :
·
Il y a des ressources de grande valeur à
préserver, telles quespèces animales protégées susceptibles dattirer les
touristes.
·
Les autorités locales ont un pouvoir
réel.
·
La gestion est réellement communautaire,
les pouvoirs étant dévolus aux habitants du lieu par lintermédiaire dun
organe corporatif.
Un exemple réussi examiné par les
chercheurs est celui de la Réserve forestière du village de Duru-Haitemba dans la
région de Babati (Tanzanie). Divers facteurs contribuent à expliquer lefficacité
de la gestion locale. Cette forêt a des limites et des ressources bien définies, ainsi
quun système élaboré pour assurer que tous les habitants bénéficient du plan
daménagement des ressources. Il y a des dispositions qui régissent les choix
collectifs, la résolution des conflits et le droit des propriétaires de concevoir des
institutions qui ne soient pas contestées par les autorités étatiques.
Si les systèmes de gestion locale peuvent
prendre de nombreuses formes différentes, soulignent les chercheurs, il est essentiel
davoir de telles institutions en place. Ils ont constaté quune sorte de libre
accès sinstaure souvent dans les zones où ne sont pas attribuées des forêts
communautaires, ou bien où lEtat a négligé daménager les forêts du
domaine public, ce qui conduit à leur dégradation.
Développement des capacités pour la gestion
des forêts de miombo
Pour léquipe de base de 30 chercheurs
nationaux engagés dans le projet daménagement des forêts de miombo, létude des problèmes concrets sur
le terrain est un moyen daccroître leur compétence dans ce domaine. En avril et
mai, 24 chercheurs des pays dAfrique australe où est réalisé le projet ont
complété leur formation afin de renforcer leurs capacités danalyse.
Dans leur travail actuel, les chercheurs
nationaux sefforcent de déterminer dans quelle mesure diverses politiques
sectorielles, extra-sectorielles et macroéconomiques ont pu influer sur la gestion et sur
les conditions des forêts de miombo. Mettant
à profit une formation antérieure sur lanalyse de données, ils tinrent en 2000
deux séminaires qui leur ont fourni une expérience pratique dans lemploi de
diverses techniques de modélisation de facteurs multiples. Pour les exercices ils ont
largement utilisé des données provenant du Zimbabwe, de Tanzanie, du Malawi et du
Mozambique.
Les équipes détude des divers pays
continueront de modifier et valider les divers modèles quils ont élaborés. Pour
se guider et se consulter dans leur travail, ils communiquent régulièrement par courrier
électronique avec les deux consultants R. Sumaila de lUniversité de Colombie
Britannique, et I. Nhantumbo du Département des Forêts et de lUniversité Eduardo
Mondlane au Mozambique (maintenant à lUICN à Maputo).
Des idées nouvelles sur les limites du
pâturage
Les savanes de la région de miombo dAfrique australe constituent
dimportants terrains de parcours pour le bétail des agriculteurs, ainsi quune
source de bois de feu et autres produits. Mais une équipe de chercheurs du CIFOR et
dautres institutions avertissent que de nouvelles politiques sur le pâturage
pourraient ne pas être économiquement justifiées, et présenter des dangers
écologiques supplémentaires pour la résilience des systèmes pastoraux.
Les nouvelles politiques, fondées sur ce que
les spécialistes des ressources naturelles appellent nouvelle science
pastoraliste, diffèrent des idées du passé sur la taille des troupeaux, en
fonction de la capacité de charge écologique. La nouvelle approche, fondée sur une
notion de non-équilibre de la dynamique pastorale, soutient que les pastoralistes ne
doivent pas sen tenir à une densité de pâturage unique et prudente, mais adopter
une stratégie opportuniste, selon laquelle on laisse le nombre danimaux
fluctuer largement en réponse aux variations climatiques. En agissant ainsi, soutiennent
les tenants de cette approche, on obtiendra un revenu économique plus élevé. En outre,
ils proposent que des mécanismes soient mis en place pour suivre la variabilité
écologique du système acheter du bétail en périodes de sécheresse, et en
vendre après la sécheresse.
Une équipe de chercheurs du CIFOR, de
lInstitut détudes sur lenvironnement de lUniversité du Zimbabwe,
du Centre de Shanduko pour la recherche agronomique et environnementale, et de
lUniversité dAlberta au Canada conteste dans une étude récente ces
nouvelles orientations. Utilisant des données provenant de prospections de terrain et de
la littérature, ils ont construit un modèle de simulation sur 15 ans pour comparer
léconomie de quatre scénarios de gestion du bétail, allant du pastoralisme
traditionnel au scénario nouvellement préconisé.
Leur étude, intitulée Comparaisons
économiques de production animale sur des parcours collectifs du Zimbabwe, décrit
les analyses. Les résultats suggèrent que des stratégies fondées sur des taux de
charge prudents donneraient une valeur actualisée nette supérieure à celles fondées
sur des taux de charge opportunistes. Létude ne fait pas ressortir en
détail les coûts écologiques des différents scénarios, du fait du manque de données
appropriées. Mais daprès leurs investigations, les chercheurs concluent que la
dégradation écologique a des chances dêtre plus forte avec la stratégie
opportuniste.
Notant quil y a relativement peu
de nouvelle recherche empirique sur la nouvelle science pastoraliste,
ils mettent en garde les responsables en Afrique australe contre une adoption les yeux
fermés de cette approche comme base de politiques dutilisation des terres et de
réforme agraire. Agir ainsi, déclarent-ils, pourrait encourager des modèles
dutilisation des ressources naturelles impropres à assurer leur pérennité,
et désastreux et irréversibles écologiquement.
Etude par pays : Chine
En Chine, le bambou acquiert une importance
croissante
Limportance de lindustrie du
bambou en Chine a été multipliée par un facteur de 4 en seulement 15 ans, ce qui a
entraîné des changements sociaux et économiques considérables. Depuis 1994, le CIFOR
et des chercheurs de plusieurs instituts de recherche forestière de Chine mènent
létude la plus approfondie jamais faite sur la production de bambou en Chine et sur
son rôle à lappui du développement rural. Les résultats se sont avérés si
utiles, que les autorités chinoises consultent très
souvent les chercheurs sur des questions dorientation et sur les aspects techniques
de la production de bambou.
Le projet devait se terminer en 2000. Mais
les préoccupations croissantes au sujet des effets écologiques de lexpansion
rapide du bambou ont amené à lancer une phase complémentaire de recherche pour étudier
cette question. Un nouveau partenaire chinois, le Département des Sciences et de la
Technologie de la province de Zhejiang, a rejoint le projet, qui vise à déterminer
quelles interventions dorientation permettront de poursuivre le développement
économique fondé sur le bambou sans porter atteinte à lenvironnement. Les
conclusions ont des incidences multiples, en effet 5,6 millions de Chinois dépendent du
secteur du bambou pour leur emploi à plein temps ou à temps partiel.
Cette nouvelle phase du projet sappuie
sur des recherches qui ont débuté dans les années 1990 dans le district dAnji,
dans le cadre dune recherche plus large destinée à mieux comprendre la production,
la transformation et la commercialisation du bambou dans différentes conditions. Un tiers
environ de ce district montagneux, qui se situe dans la province de Zhejiang, est couvert
de bambousaies, et près des deux-tiers des familles ont au moins quelques bambous
plantés en mélange avec dautres cultures.
Le bambou est souvent considéré comme un
produit secondaire, comme le bois du pauvre. Cest pourquoi les
chercheurs furent surpris de constater que la production de bambou dans le district
dAnji était en pleine expansion, jusquà 50 pour cent par endroits, ce qui
procure à certains agriculteurs une relative aisance. La recherche permit de relier cette
situation dynamique à une vague de réformes de politiques lancées en Chine depuis 1978,
comprenant une réforme agraire, une libération du commerce et des mesures d'économie de
marché. Les agriculteurs ont une plus grande liberté de décider de ce quils
doivent produire et en quelle quantité, tandis que de nouveaux investissements et une
politique dexportation ont stimulé la demande tant intérieure
quinternationale de produits du bambou.
Comparant cette situation avec celle de
régions où les niveaux de réformes de politiques et de développement socioéconomique
diffèrent, léquipe de chercheurs a constaté quun facteur important
déterminant la mesure dans laquelle la population locale bénéficie de la production de
bambou est le type de produits quils en tirent. En règle générale, les paysans
chinois produisaient traditionnellement du bambou brut (en tiges) pour lindustrie
papetière, entre les mains de lEtat. A la suite de ces réformes, la production
sest diversifiée en de nombreux endroits, offrant des produits de plus grande
valeur tels que pousses de bambou, procurant à certains ménages des revenus
exceptionnellement élevés.
La forte demande de bambou et produits
dérivés se maintiendra sans aucun doute. De récentes restrictions imposées par le
gouvernement sur lexploitation des forêts naturelles en Chine ont suscité des
débouchés accrus pour les panneaux, parquets et autres matériaux de construction
dérivés du bambou.
Pour tirer profit de ce boom, les habitants
de certaines régions ont coupé des forêts naturelles et autres formations végétales
pour planter des bambous. La plus grande partie des forêts de Chine se trouvant sur des
versants, lérosion a progressé. Le caractère de monoculture des plantations
intensives de bambou, dautre part, suscite des préoccupations croissantes au sujet
de la perte de biodiversité, de lemploi accru dengrais, et autres risques
écologiques. La dernière phase de la recherche étudiera les questions écologiques
telles que celles-ci, et les réformes de politiques susceptibles dy remédier.
Les conclusions du projet et dautres
études en Chine donnent un aperçu nouveau sur les grandes réformes intervenues depuis
1978 et leur impact sur les forêts du pays. Pour étudier la question plus à fond, le
CIFOR co-organise un grand colloque sur le sujet, qui se tiendra en juin 2001 à
Dujiangyan (province de Sichuan).
Etude par région : Amérique Latine
Amélioration des pratiques forestières en
Amazonie brésilienne
LOffice brésilien de la recherche
agricole (EMBRAPA) et le CIFOR sont engagés dans un projet qui a pour objet
dintroduire de bonnes pratiques de gestion forestière, notamment
lexploitation forestière à faible impact, dans un secteur de lAmazonie
brésilienne. Le projet marqua une étape importante en juin 2000 lorsque les deux
entreprises dexploitation forestière participantes satisfirent aux conditions
préliminaires pour être certifiées comme répondant aux exigences dune gestion
forestière durable. La certification définitive, attribuée par le Forest Stewardship
Council, est attendue en 2001.
Lexploitation forestière est la
principale activité économique en Amazonie brésilienne. On estime que quelque
2 500 entreprises dexploitation forestière de toutes tailles opèrent dans la
région, réduisant les forêts naturelles de 1,5 million dhectares par an. Les
pratiques dexploitation en usage dans la région sont généralement destructrices
pour la forêt environnante, et le Brésil offre peu dexemples pratiques de bon
aménagement de forêts tropicales. Le projet EMBRAPA-CIFOR a été lancé en vue
délaborer des directives dans ce sens pour les entreprises dexploitation
forestière de moyenne et grande taille.
LEMBRAPA et le CIFOR, travaillant avec
dautres institutions ainsi quavec des exploitants forestiers privés,
prévoient de produire deux ensembles dinstruments à lappui de la production
forestière ordonnée : tout dabord des instruments sylvicoles, tels que directives
pour labattage et le débardage, traitements avant et après la coupe pour favoriser
la régénération naturelle, et méthodes pour suivre la croissance et le rendement ;
ensuite, des instruments de gestion, pour aider à la planification économique de
lexploitation rationnelle et pour suivre et contrôler lensemble des
opérations forestières. Les effets économiques, écologiques et socio-culturels des
diverses composantes seront évalués en comparaison des méthodes traditionnelles
dexploitation forestière.
Dans la phase actuelle du projet, deux
exploitants forestiers brésiliens, Juruá Florestal Ltda. et Cikel Brasil Verde S.A.,
appliquent les techniques dexploitation à faible impact mises au point pour
lAmazonie. Les méthodes sont en cours de validation par les entreprises
partenaires, et le projet étudie un système de liste de contrôle pour évaluer la
conformité avec les techniques prescrites. Les deux exploitants ont largement étendu
lemploi de techniques à faible impact au cours de lannée écoulée. Les
opérations à faible impact de Juruá Florestal sétendent maintenant sur près de
1 000 hectares, tandis que Cikel Brasil Verde a introduit ces techniques sur
5 000 hectares de forêt.
Entre temps, lEMBRAPA, le CIFOR, et
plusieurs institutions partenaires fournissent aux entreprises participantes une
assistance technique et une formation sur le tas aux techniques dexploitation à
faible impact et autres pratiques sylvicoles.
Ils poursuivent dautre part la mise au
point dinstruments de suivi et de contrôle, fondés sur des critères et
indicateurs, pouvant être utilisés par les entreprises forestières et les organismes
officiels pour guider laménagement forestier rationnel. Un ensemble pratique de
critères et indicateurs testé au cours des deux dernières années a été encore
affiné en 2000, et est prêt pour validation en 2001.
Autorités locales et gestion des forêts
au Nicaragua
La tendance à la décentralisation depuis
une dizaine dannées est motivée en partie par le désir de donner aux communautés
locales une plus grande maîtrise de leur administration et de leurs ressources. Elle a
gagné la faveur également parce que certains gouvernements centraux la considèrent
comme un moyen de partager la charge des services. Quels que soient les motifs, de
nombreuses administrations dEtats ; provinciales et locales ont acquis plus de
pouvoir et assument davantage de responsabilités, notamment la maîtrise de la gestion
forestière.
Comment sen tirent-elles ? Après
trois ans détude au Nicaragua, des chercheurs du CIFOR et de l'Institut Nitlapan de
l'Université d'Amérique Centrale ont conclu que les résultats acquis étaient inégaux.
Ils ont considéré les activités liées à la forêt dans 21 municipalités dans
lesquelles les autorités locales assument un plus grand contrôle sur les forêts. Dans
chaque cas, léquipe de chercheurs a réuni des représentants dorganismes
publics et privés pour discuter de ce qui se passe dans les forêts de la zone.
Les sites détude représentent une
large gamme de conditions forestières. Les six premiers correspondent à des
municipalités rurales qui forment la zone-tampon de la Réserve de la biosphère de
Bosawas, dix autres sont situés dans les régions de León, de Chinandega et de Río San
Juan. Les régions autour de León et de Chinandega sont en grande partie déboisées, et
les autorités municipales sintéressent surtout au reboisement, à la lutte contre
les feux de forêt, et à la protection des mangroves côtières et des relictes de forêt
entourant les volcans de la région. La région de Río San Juan, en revanche, a encore de
grandes surfaces de forêts feuillues tropicales humides, de sorte que les autorités
municipales sont plus préoccupées par lexploitation forestière. En 2000, le
travail sest étendu aux forêts de pins de Nueva Segovia.
LInstitut Nitlapan a récemment publié
un rapport résumé sur les principaux résultats des études, qui montre quil y a
maintenant une meilleure coopération et une meilleure coordination entre les autorités
municipales et les Ministères de lAgriculture et de lEnvironnement
mais quil reste beaucoup à faire pour accroître les avantages de la gestion
locale.
La moitié environ des municipalités
étudiées ont maintenant des commissions pour lenvironnement, plusieurs ont
édicté des ordonnances sur les forêts, et les pépinières forestières sont
nombreuses, ainsi que les brigades municipales de reboisement et de lutte contre le feu.
Un certain nombre de municipalités ont leur propre personnel pour les forêts et la
protection de lenvironnement. En règle générale les municipalités les plus
grandes et les plus prospères ont progressé plus rapidement, de même que celles où des
organisations civiques participent davantage à la gestion municipale.
Dautre part, la plus grande partie des
municipalités de la zone détude continuent de sintéresser davantage aux
problèmes urbains. Certaines ont été directement impliquées dans des activités
forestières illicites, dautres nont montré que peu ou pas dintérêt
pour les questions denvironnement.
La Banque mondiale et dautres
organismes financent dans la région un certain nombre de projets ayant pour objet de
renforcer ladministration par les municipalités rurales et daccroître la
protection de la forêt. Les conclusions des études menées par lInstitut Nitlapan
et le CIFOR sont utiles pour mettre en forme ces projets, et sont également dun
grand intérêt pour le Ministère de lEnvironnement et des Ressources naturelles du
Nicaragua.
La valeur de la biodiversité végétale
Selon lOrganisation mondiale de la
santé, pour 80 pour cent de la population mondiale les plantes médicinales constituent
la principale source de soins médicaux, notamment dans les pays en développement où se
situe la plus grande concentration de biodiversité végétale. Pourtant cette précieuse
connaissance ethnobotanique na fait lobjet que de peu détudes. De
nombreuses espèces sont menacées dextinction avant même que leurs vertus soient
bien connues.
Au Pérou, où la moitié du territoire est
couverte de forêts denses, le gouvernement cherche à tirer profit de la richesse
botanique du pays en développant la production de médicaments tirés des plantes en vue
des marchés mondiaux. Wil de Jong, chercheur du CIFOR, et deux collègues de
lUniversité agronomique La Molina, dans une étude récente qui a fait lobjet
dun important rapport, mettent en garde sur le risque que cette stratégie puisse
porter préjudice à de nombreux habitants parmi les plus pauvres, et menacer la
disponibilité à long terme de certaines plantes de grande importance. Une promotion
dynamique des ventes de médicaments tirés des plantes sur les marchés mondiaux pourrait
entraîner une hausse des prix intérieurs des médicaments, rendant difficile pour la
population locale laccès aux médecines traditionnelles.
Les industries pharmaceutiques de Lima ont un
système traditionnel très informel pour se procurer les plantes dont elles ont besoin
pour leur fabrication. Elles passent des commandes à des commerçants dans tous les
centres urbains du pays, qui mobilisent la population locale pour récolter les plantes en
forêt. Maintenant, s'efforçant de garantir des normes de qualité plus élevées et un
approvisionnement régulier en matière première, le gouvernement a édicté des
réglementations pour contrôler la production. Toutes les plantes vendues aux usines de
Lima ou à des acheteurs étrangers doivent provenir de populations végétales
certifiées et dûment aménagées. Et tous les médicaments à base de plantes vendus au
public doivent être enregistrés, ce qui exige entre autres la preuve que des études
sérieuses aient été faites pour déterminer lefficacité du médicament.
Lobtention dune certification
serait impossible pour la plupart des récolteurs, ce qui priverait beaucoup de gens
dune importante source de revenus, note de Jong, qui a étudié la situation avec
Walter Nalverte et Gilberto Domínguez. En outre, déclarent ces chercheurs, il manque
dans les réglementations officielles des sauvegardes suffisantes pour prévenir la
surexploitation de plantes dont la demande saccroîtrait.
Au Brésil, le CIFOR est engagé dans une
étude qui a pour objet de rassembler les connaissances locales au sujet de ressources
végétales que les familles rurales tirent des forêts secondaires pour répondre à de
nombreux besoins. Cette étude fait partie dune recherche conjointe sur
laménagement des forêts secondaires en vue de répondre à une variété de
besoins élémentaires dans le nord-est du Pará, effectuée par EMBRAPA Amazonie
orientale, la Faculté des Sciences agronomiques de lEtat du Pará et le CIFOR. Le
financement est fourni par PRODETAB, programme de la Banque mondiale et du Gouvernement du
Brésil pour promouvoir le développement des technologies agricoles. Un manuel illustré
des plantes locales utilisées comme médicaments et comme aliments sera finalement
publié, à lintention des agriculteurs et des agents de vulgarisation.
Ce travail est mené dans une communauté de
petits agriculteurs dans la région de Bragantina, qui est lune des plus anciennes
zones de colonisation en Amazonie brésilienne. Les résultats préliminaires rapportés
en 2000 ont fourni des données sur 192 espèces utiles poussant dans des peuplements de
forêt secondaire âgés de 6 mois à 150 ans. Leurs principaux usages sont les
médicaments, les aliments, lartisanat, la chasse, la construction et autres besoins
domestiques. Les plantes médicinales sont particulièrement recherchées. Deux
dentre elles appréciées pour leurs vertus curatives sont Psychotria colorata (Willd. Ex R.V.S.) Muell.Arg.
(Rubiacées) et Dalbergia monetaria L.
(Fabacées), localement connues respectivement sous les noms de perpetua et
verónica. Cette dernière est largement utilisée par les femmes locales pour
traiter les maladies du système reproductif.
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